Jon McKenzie et le DesignLab

Jon-McKenzieResponsable du Digital Humanities Initiative et directeur du laboratoire DesignLab à l’Université du Wisconsin à Madison, le Professeur Jon McKenzie est un pionnier de la révolution numérique du monde académique. Il œuvre à la transformation des pratiques traditionnelles de la représentation en performances innovatrices, s’attachant à réduire l’écart entre un élitisme intellectuel et une pertinence sociale.

Diplômé en Performance Studies de l’Université de New York, il est actuellement Professeur à l’Université du Wisconsin à Madison. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels Perform or Else: From Discipline to Performance. Ses recherches actuelles portent notamment sur les nouveaux médias, les arts de la scène, la mondialisation, et la désobéissance civile. McKenzie a recours à des métaphores empruntées au monde de la science-fiction et aux outils technologiques pour rendre compte des transformations modernes des techniques d’acquisition et de transmission du savoir. Il attribue son inspiration aux théories de la grammatologie appliquée développées par Gregory Ulmer et Jacques Derrida. Au début de ses études, McKenzie s’intéressa d’emblée à l’interprétation de l’art à partir des théories de la relativité et de la psychanalyse. En appréhendant la théorie en tant que forme d’art conceptuel en acte, McKenzie fut amené à considérer la salle de classe comme un espace de performance, un lieu de confrontation créative entre des éléments d’une diversité remarquable (des corps, des idées, des outils numériques). En outre, les recherches de McKenzie l’ont porté à étudier la relation entre d’une part la performance expérimentale et d’autre part la théorie de la performativité, et son caractère hautement normatif, développée par Jean-François Lyotard.

Ses conclusions de recherche suggèrent que la relation de la philosophie à la performance entretient des liens de contiguïté frappants avec la relation de la philosophie à la démocratie, à la mondialisation et à la technologie. Il attire l’attention sur le fait que toute tentative de conceptualisation de ces relations doit se garder de tomber dans l’écueil d’une déformation des objets de recherche par appropriation indue. Dans le même temps, et d’un point de vue plus favorable, faire dialoguer ces différentes pratiques permet d’ouvrir des champs jusqu’à lors inexplorés en matière de performance, et de développer des formes alternatives inédites (comme le « gai savoir »). Explorant les points de jonction entre l’humain et le technologique, McKenzie souligne le primat de la performance et affirme que « les interfaces sont toujours des lieux de performances conjugués ».

Destiné à la promotion d’approches pratiques dans le domaine de la pédagogie, son DesignLab crée un phénomène éducatif qui se veut à son tour « un lieu de performances conjugués » entre étudiants et professeurs. L’un des projets du DesignLab de McKenzie mettait en œuvre l’élaboration d’une théorie de l’interaction homme-ordinateur en s’appuyant sur la Poétique d’Aristote. Les étudiants créaient des spectacles réels ou virtuels en substituant à la tragédie grecque une autre forme de performance: théâtre kabuki, spectacle en solo, dada, sumo, et théâtre de Brecht, d’Artaud, de Schechner, de LeCompte. Mc Kenzie érige la dimension collaborative de la performance en paradigme de l’interaction savante à l’ère des nouveaux médias. Les anciens modèles de créations artistiques individualistes et de transmission du savoir se transforment alors en un modèle contemporain de créations collaboratives.

Ses travaux de recherche, au croisement entre théorie de la performance, nouveaux médias et développement culturel, ont suscité l’intérêt des universitaires et des laboratoires de recherche du monde entier, et l’ont amené à participer en tant qu’orateur invité à des événements aussi variés que la conférence Intellectual Lecture Program à l’Université d’Utrecht ou à la Mellon School for Theatre and Performance Research à Harvard. Son travail a également contribué à la création de groupes d’art-performance, tels que Doorika, et a inspiré à la HOBO Art Foundation une performance intitulée « Katastronauci » (« Désastronautique »), réalisée au Nowy Teatr de Varsovie, et basée sur des scénarios tirés de son livre Perform or Else et de son essai-vidéo « The Revelations of Dr. Kx4l3ndj3r – Prelude, Intro & Axis 3 ».

La perspective de McKenzie sur la performance s’avère précieuse dans l’optique de cette conférence, car elle renvoie directement aux significations que la langue française attribue au terme performance tout en permettant d’aborder le destin fragile de la philosophie en tant qu’institution. Il attribue l’ampleur de plus en plus importante des interférences conceptuelles entre les disciplines (qui entretiennent des relations qu’on avait jusqu’à lors coutume de négliger voire de nier) au rôle prépondérant de la technologie en tant qu’elle promeut une société post-disciplinaire et post-conceptuelle. Sa participation à cette conférence vouée à promouvoir un nouveau réseau international de recherche interdisciplinaire promet ainsi d’ouvrir des horizons toujours inexplorés dans le champ de la Performance Philosophy. [Auteur : Anna Street Traduction : Julien Alliot]

Parutions

Contesting Performance est un recueil d’essais écrits par des chercheurs du monde entier. Jalon dans l’histoire des Performance Studies, on y aborde le développement de la recherche dans ce domaine à l’échelle mondiale à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle.

Dans Perform or Else, Jon McKenzie affirme l’existence d’une relation entre la performance culturelle, organisationnelle et technologique. Dans cette prouesse théorique, McKenzie démontre que les trois paradigmes opèrent ensemble afin de mettre en œuvre les impératifs puissants et contradictoires de « la performance sous pression ».


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Ce contenu a été publié dans Actualités, et marqué avec , par Julien Alliot.

Pour citer cet article : Julien Alliot, "Jon McKenzie et le DesignLab", Labo LAPS 2014. URL : https://tpp2014.com/jon-mckenzie-le-designlab/

A propos de l'auteur : Julien Alliot

Julien Alliot est agrégé d’anglais, doctorant à l’Université Paris IV-Sorbonne, membre de VALE et du LAPS, actuellement professeur en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles au lycée Raspail de Paris. Sa thèse en cours, intitulée « La fête paradoxale : mettre en scène le sujet en crise de Samuel Beckett à Mike Leigh » tente d’articuler les multiples discours théoriques sur le phénomène festif avec sa représentation esthétique dans le théâtre britannique contemporain, afin de dégager les modalités d’une nouvelle mimesis propre à un sujet contemporain affecté par une crise protéiforme.