Before your very eyes et Rhythm Conference feat. Inner Splits : réflexions performatives de l’identité performative.
Nous aimerions nous concentrer sur deux exemples de performances qui illustrent les réflexions de Judith Butler sur l’identité performative, et qui les dépassent peut-être également. Dans Before your very eyes, le collectif Gob Squad fait passer des enfants par tous les stades de leur vie future. Au croisement du jeu spontané et des consignes données par les adultes du collectif, les enfants s’inventent donc leur vie. Ils font ainsi apparaître (de manière assez banale) la construction de nos rôles sociaux et de leurs liens structurels qui renvoient à des discours. Ce faisant, ils livrent de parfaits exemples de la construction performative et processuelle d’identités et de leur possible subversion parodique (nous nous référons surtout à Butler, Ces corps qui comptent). Cette performance toutefois n’est pas uniquement subversive par parodie, elle l’est également par sa forte valeur performative (tenant notamment à la voix off et aux êtres en devenir), qui touche en premier lieu ses spectateurs, mais aussi ses acteurs. Au cours du 20e Needlap, MaisonDahlBonnema invite encore à se moquer des discours qui nous constituent, que ce fut comme individu ou comme spectateur. La posture de bouffon adoptée par les trois performeurs nous libère de la culpabilité mais nous confronte à des critiques cinglantes. Au-delà des limites des discours, nous sommes alors confrontés à leur force, force constitutive d’identité collective, qui nous renvoie à notre propre pouvoir de constitution discursive, en l’occurrence à notre responsabilité. Car le fondement performatif de collectivité au cours de la performance va de pair avec une reconnaissance d’humanité à travers la parole, au-delà de tout essentialisme. Les discours se manifestent dans les deux cas comme contraintes à dépasser de manière performative mais aussi comme fondements subversifs ouvrant sur un devenir autonome ou collectif.
Eliane Beaufils est maître de conférences en études théâtrales à l’université Paris 8. Elle a fait des études de littérature, langues et sciences politiques. Agrégée d’allemand, diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, elle a enseigné à l’ENSAM et dans les universités de Hambourg, Strasbourg, Francfort et Paris 4-Sorbonne. Elle est l’auteur de Violences sur les scènes allemandes (Paris, Presses de Paris Sorbonne, 2010), Quand la scène fait appel… (Paris, L’Harmattan, 2014), ainsi que d’une vingtaine d’articles français et allemands dans des revues et des ouvrages collectifs (Méthode, A. Poulain, Passions du corps dans les dramaturgies contemporaines, F. Baillet, Intime et politique dans la littérature et les arts contemporains, G. Thiériot, Le Théâtre postdramatique. Vers un chaos fécond ?, S. Le Pors, « Où est ce corps que j’entends? »Des corps et des voix dans le théâtre contemporain…). Ses recherches portent sur les mises en scène et performances contemporaines, la performativité des corps et des voix, la réception de la violence et de la douleur, la pensée poétique.