La skênê de la traduction : performativité d’un chantier littéraire
Si traduire relève de l’une des plus anciennes pratiques humaines, il est légitime de s’interroger aujourd’hui sur ce geste, à l’aune des mass media, favorisant la circulation de certaines écritures théâtrales contemporaines. De plus, la forte présence de ce qui est appelé « les écritures de plateaux » a considérablement modifié, en France, les impératifs institutionnels de production et de visibilité, dans la lignée du théâtre postdramatique. Pourtant, il semble que la traduction, plus qu’une opération linguistique et commerciale, relève davantage du champ de la littérature. Véritable chantier, c’est à la lueur de ce que nous appelons « La skênê de la traduction, ou le voyage du texte dramatique » qu’il apparaît urgent de redéfinir le traduire et l’Oralité (H. Mesconic, Poétique du Traduire) au cœur des enjeux esthétiques du théâtre (Stein). En effet, ce qui est convoqué dans l’arsenal de cette écriture (Monique Wittig, Le chantier littéraire), c’est la prégnance non pas des acteurs mais du corps du texte qui s’écrit (Antonin Artaud). Ainsi, le chantier mis en place relève d’une performativité littéraire et du champ de philosophique du langage. Il trouve un espace de liberté désaliéné du plateau et des contingences de production. Dès lors, traduire implique la constitution d’un espace esthétique du sujet libéré (Artaud en est le référent) et fait écho au changement de paradigme entre scène et texte, où la langue et le langage réconcilient matérialité et Oralité.
David Ferré, dramaturge, traducteur (espagnol), enseignant,est diplômé en « Mise en scène et dramaturgie » par la RESAD, le Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Madrid (1998). Il a été assistant metteur en scène au Centro Dramático Nacional de Madrid-Teatro María Guerrero pendant deux ans. À son retour en France en 2000, il crée la compagnie Sans voies, et articule son travail de metteur en scène autour de chantiers pluridisciplinaires d’écriture (L’envers d’Utopie – 999 points ou le traité d’Anacoluthe). Il pratique la traduction théâtrale de l’espagnol depuis lors, activité amorcée avec Juan Mayorga aux Ateliers Européens de la Traduction d’Orléans, où il présente une première lecture en langue française du Traducteur de Blumemberg en 2003. Il a traduit Les Racines coupées et L’Architecte et l’Horloger, de Jerónimo López Mozo (ed. de L’Amandier- 2008), Temps réel, d’Albert Mestres (ed. de L’Amandier- 2008). On a pu entendre sa traduction de Barbarie de Sergio Blanco à la Mousson d’été 2010- bourse Maison Antoine Vitez, dans une mise en espace de Michel Dydim et également dans le cadre du festival d’automne de Normadie (mise en lecture Maurice Attias).
La traduction théâtrale autour de jeunes auteurs émergents constitue une de ses principales activités. Il a conçu l’ouvrage Théâtre espagnol : les écritures émergentes – Ed. de l’Amandier en 2010), et par là même est le traducteur de Paco Bezerra (Prix national de théâtre 2007), Mar Díez, José Manuel Mora (Prix SGAE 2009), Gumersindo Puche et Javier Salas.
Sa dernière traduction, Les Corps perdus, de JM Mora- Espagne, a été lauréat du pôle auteur du Centre National du Théâtre en juin 2012, texte qui a intégré le catalogue des 119 pièces européennes de la Convention Théâtrale Européenne.
Il a mené un projet de traduction-édition-mise en espace autour de 4 auteurs mexicains émergents avec l’INBA-Mexico et l’ambassade de France au Mexique.
Afin de mener à bien son travail de diffusion et de réflexion autour de l’écriture, il crée Actualités Editions en 2008, dans le but de faciliter la circulation des jeunes écritures, littéraires, graphiques et sonores, autant dans le domaine culturel, pédagogique qu’artistique. Ainsi il est invité régulièrement à donner des conférences ou à mener des séminaires autour de la traduction dans sa dimension artistique.
Il s’interroge sur les formes du théâtre associé aux arts contemporains et dirige le pôle Ecriture de Strate Collège (école supérieure de design industriel -Sèvres), où il mène un travail pédagogique autour de la notion de dramaturgie dans le cadre de l’innovation industrielle. Il est aujourd’hui le mentor et coordinateur du prix Artscience initié avec la Maison du geste et de l’Image à Paris.