Épreuves esthétiques du théâtre. Sur les pas de Richard Shusterman
Dans Façons de lire, manières d’être [1], Marielle Macé envisage l’expérience de la lecture comme une manière pour le lecteur de donner un style à son existence. Selon elle, « [l]a lecture n’est pas une activité séparée, qui serait uniquement en concurrence avec la vie ; c’est l’une des conduites par lesquelles, quotidiennement, nous donnons une forme, une saveur et même un style à notre existence ». Ce regard porté sur la lecture réinvestit une approche esthétique formulée par Richard Shusterman selon laquelle œuvrent, au sein de l’expérience par le corps de l’art, des processus de subjectivation et de stylisation existentielle de soi. Ce faisant, Shusterman réarticule des aspects de la phénoménologie de Merleau-Ponty, avec la notion de corps propre, de la French Theory, en s’intéressant aux opérateurs de subjectivation et du pragmatisme de John Dewey, en privilégiant une approche de l’art comme expérience.
Dans le sillage de Richard Shusterman et de Marielle Macé, nous nous intéresserons à la question de savoir en quoi l’expérience du théâtre constitue une autre de ces ‘conduites’ qui participe de la conquête de sa propre vie et du monde qui nous entoure en leur attribuant un style personnel et parfois collectif tout en permettant l’ouverture à des modes d’existences pluriels. Nous verrons en quoi ces formes de vie contribuent à l’affirmation d’un pouvoir-être-soi au sens où elles sont l’occasion de faire l’épreuve par l’esthétique d’une « vie éveillée » et d’une puissance d’action.
Ces développements théoriques seront à la fois interrogés et illustrés grâce à des entretiens réalisés avec de jeunes praticiens du théâtre récemment sortis de l’École supérieure d’art dramatique du Théâtre national de Bretagne en 2009. Nous observerons comment s’opère cette confrontation avec leur pratique et en quoi nous pouvons dire qu’elle figure le mouvement d’un ethos.
[1] Macé, M. (2011), Façons de lire, manières d’être, Paris : Gallimard.
Rachel Rajalu prépare une thèse de doctorat en Esthétique qui porte sur L’être et l’existence dans le théâtre contemporain. De l’ontologie de la représentation théâtrale sous la co-direction des professeurs Pierre-Henry Frangne et Christophe Bident. Elle est rattachée à l’Équipe d’Accueil 1279 / Histoire et critique des Arts de l’Université de Rennes 2. Elle a soutenu un DEA d’Études politiques à l’EHESS sous la direction de Patrice Gueniffey, un Master 2 recherche de Philosophie à l’Université de Rennes 1 et un Master 2 professionnel en Management du spectacle vivant à l’Université de Bretagne Occidentale. Son Master 2 de Philosophie s’intéresse à la phénoménologie de la représentation théâtrale. Il a été réalisé sous la direction du professeur Jérôme Porée en partenariat avec l’École supérieure d’art dramatique du Théâtre national de Bretagne où elle a observé les pratiques artistiques et pédagogiques pendant 6 mois. Son mémoire de Master 2 en Management du spectacle vivant traite de la formation de l’acteur à l’École de théâtre du TNB sous la responsabilité pédagogique de Stanislas Nordey. Parallèlement à ses activités de recherche, elle enseigne la philosophie et l’esthétique et accompagne les processus de création théâtrale de la compagnie emile saar – Marie Lelardoux.