Aux marges de la performativité : allers-retours entre la philosophie anglo-américaine et la philosophie française.
Aujourd’hui, les Performing arts se nourrissent doublement de la philosophie anglo-américaine et de la philosophie française afin de questionner ses possibilités expressives et le concept même de performance, entendu comme puissance de création. Avec le pragmatisme de William James, de Peirce et du performatif d’Austin, la philosophie anglo-américaine a fait la promotion du concept de performance, devenu rapidement un outil critique propre à analyser plusieurs aspects de la vie humaine. Ce concept, à la base des Performance studies, a également trouvé des échos dans la philosophie française : Deleuze et Guattari, par exemple, ont vu dans la philosophie anglo-américaine un exemple de pluralisme de la pensée, faisant du performatif un principe permettant d’opérer des variations, tant dans le langage qu’au niveau de la subjectivité. C’est précisément dans cette perspective que la « performance » dans son acception critique et dans sa dimension inventive, est devenue un acte artistique : un « faire » à l’origine de tout acte de création, une capacité à intervenir sur les corps pour les transformer. Et c’est précisément ce « faire » à l’origine des pratiques performatives qui est aujourd’hui pris en charge de nouveau par la philosophie anglo-américaine, à travers le Nouveau pragmatisme et les théories de la rationalité et de l’action pratique. Mais en pensant aux langages des Performing arts et à ce qu’ils sont capables d’exprimer et de créer, dans quels termes peut-on véritablement parler de rationalité ? Ne pensons-nous pas plutôt dans les marges, occupant le champ de la « bêtise » comprise comme possibilité créatrice, comme Avital Ronell l’a souligné ?
Sara Baranzoni (Université de Bologna) est docteure en études théâtrales depuis 2011. Sa thèse s’intitule « Entre pensée et création. Le ‘théâtre philosophique’ de Gilles Deleuze ». Elle est aujourd’hui chargée de recherche en études théâtrales, travaillant particulièrement sur la bêtise et ses aspects performatifs. Elle a publié How shall I act? Per una filosofia della realtà, Edizioni Kainos – youcanprint, 2013 et La salute della filosofia (avec Paolo Vignola), Aracne, 2014. Elle est l’auteure de nombreux articles, notamment Dalla parola speculativa alla Figura speculare: Klossowski e la teatralità del simulacro, in Culture Teatrali n. 18, primavera 2008, I Quaderni del Battello Ebbro, Bologna 2010 ; Sovrapposizioni e dispersioni. Il depensamento filosofico di Carmelo Bene, in A. Bruzzone, P. Vignola (a cura di), Margini della filosofia contemporanea, Orthotes, Napoli 2013, pp. 307-319 ; Pensiero e creazione. Il “teatro del futuro” di Gilles Deleuze, in Culture Teatrali n. 22, La Casa Usher, 2013, pp. 267-299.