Performance et défaut de présence : le théâtre de la mise à l’épreuve
Les propositions de la philosophie américaine contemporaine invitent à repenser la performance théâtrale, à se ressaisir de la question de la présence scénique, un des fondements de ce que l’on pourrait appeler la puissance hétérotopique du théâtre, à savoir le rapport d’altérité effective et de rupture avec l’ordre marchand, médiatique ou spectaculaire. Dans cette perspective, la performance est alors souvent perçue comme un acte plein qui consisterait dans l’exposition et le partage de corps et d’expériences authentiques, opposés à l’apparence illusoire et manipulatrice de l’image spectaculaire, toujours en manque d’être.
Or, en se présentant comme le lieu d’une mise à l’épreuve d’une idée, de corps ou d’agencements collectifs, en empruntant à la sphère scientifique et juridique plus ou moins littéralement ses protocoles, la scène contemporaine semble être gagnée par cette passion de l’épreuve, dont parle Ronell dans Test drive. Les analyses de cette dernière, pour lesquelles le performatif semble s’originer dans le défaut de présence, sont donc suggestives pour repenser la présence scénique à travers l’idée de perte ou de retrait (et non plus d’affirmation) : est-ce que la scène aujourd’hui, davantage que le lieu d’apparition et d’exposition de la présence pleine, n’est pas surtout hantée par la perte, est-ce que la remise en jeu répétitive de la présence n’est pas toujours doublée par le spectre d’une absence, d’un défaut de consistance originel ?
Notice bio-bibliographique :
Docteur en études théâtrales (Montpellier 3), professeur de Lettres Modernes dans l’Académie de Lille, j’ai enseigné en tant qu’ATER à l’Université Rennes 2 (département d’Arts du spectacle) pendant quatre ans.
Thèse : « De l’inactualité du théâtre : Poétique et politique de l’hétérotopie chez Pier Paolo Pasolini et Rainer Werner Fassbinder ». Publication d’articles sur ces deux corpus théâtraux, sur le théâtre contemporain français (Gabily, Lagarce) et sur la scène contemporaine.
Derniers articles parus, dernières communications :
- « Des Beatles à Lucia di Lammermoor et Zarah Leander : la musique de scène chez Rainer Werner Fassbinder », in Fix Florence, Lécroart Pascal, Toudoire-Surlapierre Frédérique, Musique de scène, Musique en scène, Paris, Orizons, 2012.
- « L’À-venir de la Commune dans Al gran sole carico d’amore de Luigi Nono (1975) », in Théâtres politiques, n°1, octobre 2012.
- « L’épuisement du scénario sacrificiel chez Rainer Werner Fassbinder », in Dumas Catherine, Ziegler Karl « L’autre au miroir du théâtre », Bruxelles, Peter Lang, coll. « Comparatisme et Société » n° 20, 2012.
- « La mort de l’Homme sur les scènes flamandes », in Girel Sylvia, Soldini Fabienne, La mort et le corps dans les arts aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques Sociales, 2013.
- « Des présences incorporelles », Colloque international de Poitiers, « La présence : discours et voix, image et représentation », 17-18-19 octobre 2013
- « L’anachronisme conjuré ou la mise en scène d’opéra contemporaine », Colloque international de Grenoble, « Déjouer l’injouable », 28-29 novembre 2013.