Occupy Wall Street : performance ou mot d’ordre ?
Tout événement peut servir de scène de performance aux metteurs en scène et aux philosophes : la guerre du Golf selon CNN, les mémoriaux de la Shoah, la Plaza de Mayo , la Place TienAnmen ou même le mouvement de protestation Occupy Wall Street, soutenu par Judith Butler, philosophe de la performativité.
Occupy Wall Street désignerait un microcosme (à l’instar du Performing Garage de Richard Schechner) : communauté d’individus/acteurs, ou « bodies in alliance » (Butler), dans un espace/temps mesurables, qui bougent, s’assoient, crient des slogans, écrivent des poèmes, réitèrent des rituels, créent de monuments (Mark di Severo) ou de situations dramatiques (performances de Mike Daisey, Tom Morello, Marni Halasa ; répression policière), réinventent les « politics of the public body » (Butler), soumettant les revendications politiques à l’occupation d’un espace public, à la nécessité d’un mouvement politique, d’une assemblée populaire (Butler), la théâtralité à la performativité.
Lire le performatif de J.L. Austin et de Judith Butler à travers Gilles Deleuze signifie que le performatif n’est pas seulement un acte de parole, mais surtout un mot d’ordre : si pour Deleuze le mot d’ordre résume le mieux le performatif et l’illocutoire, pour Butler le langage performatif naît de/et contre la censure, l’interpellation ou l’injure.
C’est pourquoi Occupy a dû se déterritorialiser, fête mobile se déplaçant dans New York, du genre à l’identité noire. C’est la déterritorialisation qui renverse le signe répressif du mot d’ordre par le mode impératif insurrectionnel « Occupy », proposant ainsi une possibilité révolutionnaire du mot d’ordre sans forcément proposer pour l’heure aucun mot d’ordre révolutionnaire. Car comme scandaient les manifestants : Bloomberg Beware, you take our park, Now Liberty Park is everywhere!
Docteur-ès-lettres (Université-Paris-7), il a enseigné à l’Université de Versailles (UVSQ). Spécialiste de la philosophie d’André Breton et de Gilles Deleuze (recherche postdoctorale sous la direction d’Alain Badiou), il collabore avec des groupes du CNRS, du Arts and Humanities Research Council et des écrivains (Y. Bonnefoy). Il a contribué à plusieurs colloques [Paris 3, Paris 4 – Sorbonne, Cambridge, Kent, Essen, Florida, Savoie, Nanterre, T.S.Eliot – Society meeting, Association des Lecteurs de Claude Simon (dir. D.Viart), Minas Gerais (Brésil), Goldsmiths London, Chicago, Musée Royal d’Art Moderne, Bruxelles, Stockholm, Aarhus, Haïfa, Cultural Studies Association etc.] ; publications universitaires (sur J.M.G. Le Clézio, S. Beckett, Y. Bonnefoy, M. Butor, E. Glissant) et littéraires. Il a publié : Images de la dialectique et dialectique de l’image dans l’œuvre d’André Breton (P.U. de Septentrion, 1997 / 2001 /) « ‘Imagination morte imaginez’ : une performance entre mémoire et imagination », in L’esthétique de la trace chez Samuel Beckett, Presses Universitaires de Rennes, décembre 2012.