Schicharin, Luc (doctorant, ATER, 2L2S ERASE, Université de Lorraine) : À la recherche d’une performativité transgenre : de Judith Butler à Lazlo Pearlman.
Judith Butler réfléchit la notion de « genre » à partir des concepts linguistico-théâtraux de « performance » et de « performativité ». Dans l’article Actes performatifs et constitution des genres : phénoménologie et théorie féministe (1988), Butler affirme qu’une manière de résister à la norme hétérosexuelle est de créer de nouvelles performances de genre. La philosophe analyse alors le travestissement en tant que « nouvelle réalité » du genre, mais elle annonce que la performance travestie n’est pas reçue de la même manière dans le contexte des transports en commun (rituel social) et dans celui de la scène de spectacle (art performance).
Nous voudrions mettre en perspective cette réflexion sur le genre dans la philosophie américaine avec les nouvelles scènes performatives européenne. Pour cela, nous étudierons le film Fake Orgasm de Jo Sol (2010) qui met en vedette Lazlo Pearlman, un artiste queer qui dénude son corps FtM (female-to-male) sur les scènes de cabaret, dans les clubs érotiques, dans des photographies plasticiennes exposées en galerie (et accompagnées par des interviews filmées de Beatriz Preciado et de Judith Butler), puis dans les rues de Barcelone. Lazlo Pearlman recherche une proximité extrême avec le public, le dispositif artistique de son travail inclut une dimension sociale puisque les spectateurs sont invités à discuter sur scène du corps de l’artiste. L’objectif de l’artiste est de partager son expérience corporelle en tant que trans’ et de créer un décalage avec les identités normatives (homme/femme, hétéro/homo, naturelle/artificielle, etc.) qui jonchent la mise-en-scène de la vie quotidienne (Goffman, 1959) chez son public présumé « straight ». L’artiste invite à un rapprochement brechtien entre le théâtre et le social à partir d’une performativité transgenre qui suscite et inclut une réflexion philosophique sur le corps, avec le public, au sein même de l’œuvre.
Luc Schicharin prépare une thèse de doctorat à propos de L’impact théorique de Judith Butler sur la réception des films transgenres dans les études queer en Amérique. Il a déjà publié des articles autour de l’image et de la performativité transgenre : en 2011, « Buck Angel et les Public Service Announcements : une critique transgenre de la cisnormativité sur YouTube », in L. Biscarrat, M. Bourdaa & G. Patriarche (dir.), Culture de soi et médias, revue Recherches en Communication, n°36, Louvain-La-Neuve : Éd. de l’Université catholique de Louvain – département de communication, p. 135-148 ; en 2012, « Les représentations transgenres de Jekyll & Hyde au cinéma », in M. Buscatto, A. Forssell, M. Leontsini, M. Maruani, B. Péquignot & H.Ravet (dir.), Le genre à l’œuvre, vol. 3 : Représentations, Paris : L’Harmattan, p. 151-164.